Michel Mazzoni, CRAFT

Vernissage le dimanche 5 mai 2024
Exposition du 5 mai au 2 juin 2024

Michel Mazzoni, RP_158, from the series Rien, presque.

http://www.michelmazzoniproject.com/

(english version below)
La photographie, chez Michel Mazzoni, est une activité processuelle qui nécessite déplacement et circulation du corps comme du regard. Scrutateur assidu de son environnement, l’artiste s’attarde généralement sur des éléments insignifiants, précaires ou délaissés dans le but de rendre visible les nombreux interstices qui jalonnent le cours de l’existence et auxquels nous ne prêtons pas forcément attention. Dialoguant autant avec les espaces, les pleins, les vides, les aspérités et les hors-champs qu’avec les réminiscences qu’elles génèrent, les images fragmentées de l’artiste se déploient au gré des lieux qui les accueillent, telles des ponctuations, pour tenter de formaliser un moment suspendu dans le rythme effréné de nos vies quotidiennes.

Engagé dans une démarche minimaliste et artisanale entièrement vouée à l’exploration du champ visuel, l’artiste travaille par séries, alternant grands, moyens et petits formats, recourant aussi bien à la manipulation, à la duplication et à la superposition pour donner naissance à des images composites volontairement énigmatiques. Ainsi, photocopies, gélatines de couleur et épreuves argentiques se trouvent régulièrement associées, au sein même d’une création ou dans le prolongement de plusieurs, augmentées de temps à autre d’assemblages sculpturaux conçus à partir d’objets récupérés ou produits à destination du public, tels des supports d’impression posés à même le sol.

Résolument à contre-courant de la photographie classique, la pratique plasticienne de Michel Mazzoni désarçonne par sa capacité à envisager le réel comme un matériau visuel inépuisable qui renfermerait un nombre infini de modulations, variations et itérations, pour peu qu’on prenne le temps de s’y attarder. « Images sans qualité de lieux, d’objets, elles “accrochent”, selon les propres mots de l’artiste, sans que l’on sache exactement pourquoi et produisent un écart, une distance et une irruption soudaine d’un réel qui résiste à toute lecture symbolique. »1 Ainsi, à la manière d’un compositeur qui aurait basé1 toute sa composition musicale sur le principe de l’ostinato, l’artiste procède par contraste, dialogue et contrepoint pour produire, à chaque nouvelle présentation, un développement adapté à son environnement – que ce soit au fil des pages d’un livre ou dans l’espace d’exposition –, et où les intervalles de respiration occupent toujours une place prépondérante.

« Vous dites : le réel, le monde tel qu’il est. Mais il n’est pas, il devient ! Il bouge, il change ! Il ne nous attend pas pour changer… Il est plus mobile que vous ne l’imaginez. Vous vous rapprochez de cette mobilité quand vous dites « tel qu’il se présente » ; ce qui signifie qu’il n’est pas là, existant en tant qu’objet. Le monde, le réel n’est pas un objet. C’est un processus. »2

Clémentine Davin

1 Citation d’Éric SUCHÈRE, extraite de la présentation de l’artiste sur le site du FRAC Auvergne.
2 Citation de John CAGE, extrait traduit de sa deuxième interview, in For the birds, John Cage in conversation with Daniel 2 Charles, Boston : London, Marion Boyars Inc., 1981, p. 80.


Photography, with Michel Mazzoni, is a procedural activity that requires movement and circulation of the body as well as the gaze. An assiduous scrutinizer of his environment, the artist generally dwells on insignificant, precarious or neglected elements in order to make visible the many interstices that punctuate the course of existence and to which we do not necessarily pay attention. Engaging as much with spaces, solids, voids, asperities and off-screens as with the reminiscences they generate, the artist’s fragmented images unfold according to the places that host them, like punctuations, to try to formalize a moment suspended in the frenetic pace of our daily lives.

Engaged in a minimalist and artisanal approach entirely dedicated to the exploration of the visual field, the artist works in series, alternating large, medium and small formats, resorting to manipulation, duplication and superimposition to give birth to deliberately enigmatic composite images. Thus, photocopies, colored gelatins and silver prints are regularly associated, within a creation itself or as an extension of several, augmented from time to time by sculptural assemblages designed from recovered objects or produced for the public, like print media placed on the floor.

Resolutely against the tide of classical photography, Michel Mazzoni’s plastic practice is disconcerting by its ability to consider reality as an inexhaustible visual material that would contain an infinite number of modulations, variations and iterations, provided one takes the time to dwell on it. « Qualityless images of places, objects, they « catch », according to the artist’s own words, without us knowing exactly why and produce a gap, a distance and a sudden irruption of a reality that resists to any symbolic reading. »1 Thus, like a composer who would have based his entire musical composition on the principle of the ostinato, the artist proceeds by contrast, dialogue and counterpoint to produce, with each new presentation, a development adapted to his environment – whether through the pages of a book or in the exhibition space – and where the intervals of breathing always occupy a dominating place.

“You say: the real, the world as it is. But it is not, it becomes! It moves, it changes! It does not wait for us to change… It is more mobile than you imagine. You come closer to this mobility when you say « as it stands » which means that it is not there, existing as an object. The world, the real is not an object. This is a process.”2

Clémentine Davin

1 Quote by Eric SUCHÈRE, taken from the presenta%on of the ar%st on the FRAC Auvergne website.
2 Quote by John CAGE, translated excerpt from his second interview, in For the birds, John Cage in conversa4on with Daniel 2 Charles, Boston : London, Marion Boyars Inc., 1981, p. 80.