Philippe Cazal

Dont l’œuvre commune de Daniel Buren & Philippe Cazal « La mesure de l’objet / L’objet de la démesure ».

Vernissage le dimanche 6 novembre de 15h à 18h.


Exposition du 6 novembre au 11 décembre 2022. La galerie est ouverte du jeudi au samedi de 15h à 18h.

Le dimanche 11 décembre 2022 de 15h à 18h (finissage).

Une alliance d’images contradictoires ou autres oxymores visuelsdes images privilégiées de Philippe Cazal depuis les années 80, indicateurs prémonitoires du « nouvel aveuglement dans lequel avance le monde »

Telle une figure de rhétorique s’écartant de l’usage ordinaire d’une œuvre, cette exposition se présente comme un regard d’aujourd’hui qui s‘inscrirait volontairement dans les années 80. C’est ainsi qu’il convient d’aborder cette exposition envisagée en complicité par Philippe Cazal, artiste invité et Daniel Dutrieux, artiste et responsable de la galerie LRS52 à Liège.

Il s’agit, en cœur d’accrochage, de la reprise d’une pièce conçue en 1994 pour une exposition présentée à Moscou et intitulée Le Saut dans le vide qui fit date à l’époque.

Elle approfondissait, par l’entremise d’un large spectre d’œuvres, le thème de l’utilisation de son corps par l’artiste depuis les années 60. Le propos élargissait la commande des partenaires russes à un enjeu qui dépassait largement le spectre des Actionnistes viennois jusqu’à la question de l’effacement du sujet dans les recherches esthétiques de l’époque.

L’Objet de la démesure de Philippe Cazal y déployait les dix modèles standards, du format 9×13 au format final 100×120 * (cm), subtilement contrainte par une homothétie inhabituelle dans lesquels une image, toujours la même, doit s’inscrire : Philippe Cazal, l’artiste en personne, y présente, tel un entrepreneur dynamique, son chef d’œuvre, minimal, positif-négatif… objet précieux, exceptionnel, à l’acmé de sa réalisation.

À la Documenta 5 de Cassel, en juin 1972, « Exposition d’une exposition : Une pièce en sept tableaux », révèle le travail in-situ de Daniel Buren dans une section au Museum Fridericianum et dans une autre à la Neue Galerie. Avant l’arrivée des autres artistes participants, celui-ci colle un papier rayé sérigraphié (blanc écru sur blanc) sur l’ensemble des deux sections… les peintures de Jasper Johns, Sol LeWitt, Brice Marden, Robert Ryman entre autres seront accrochées par-dessus.

Cazal, lui, propose de mettre en abîme cette cohabitation de sens en superposant sa série L’Objet de la démesure sur l’outil visuel (les bandes de Buren), utilisant en cela la situation signalée ci-dessus.

À Moscou, en 1994, la première image de Philippe Cazal venait se positionner à 8,7 de la dernière bande bloquant ainsi la pièce de Buren La Mesure de l’objet. La série s’arrêtait, de l’autre côté, à l’angle formé par un mur perpendiculaire vierge sur lequel l’affiche collée (100×120) finalisait « L’Objet de la démesure ».

À Liège, les deux artistes ont accepté l’idée de cette superposition, sorte de télescopage dont Cazal utilise le dispositif pour mettre en scène le sien. Ici, reprise du même principe. Il y est toutefois mise en scène différemment. Huit de ces modèles standards sont inscrits sur le mur, deux poursuivent en face ce cheminement et l’ensemble est mis en rupture avec l’affiche accrochée au dos de la cimaise finale.

Cette scénographie est celle de l’emboitement. Elle joue sur l’idée de l’entre deux tel qu’elle figure déjà, en opposition de sens et formelle, dans le logo-signature (comme allégorie du positif-négatif) de Philippe Cazal ou dans ce rapprochement avec d’autres pièces, dont chaque élément évoque et met en relief un aspect d’une idée complexe autour du statut de l’art, de l’œuvre et de l’artiste.

Certaines de ces autres pièces sont ainsi exhumées ici et réhabilitées en petit format Dans l’atelier… Des chimpanzés. Des éléphants (2012). Et sur un autre mur, trois « tableaux », un tissu sérigraphié tendu sur châssis en aluminium (180×130 cm chaque), L’Artiste dans son milieu.

Le générique L’artiste dans son milieu, se joue avec une distance, douce et narquoise à la fois, de ce qui peut être signifié de la position de l’artiste dans sa relation au milieu de l’art.

Il faut voir dans les variations de dualité un langage à deux qui est aussi un double langage… une forme particulière de dialectique verbale et visuelle que l’on emploierait pour donner plus de vivacité, à l’expression d’une pensée sur la position de l’artiste, sur le milieu de l’art, et de façon plus générale sur l’art et ce qui le caractérise alors. « C’est le contexte qui passe dans le texte » écrivait déjà Elisabeth Lebovici en 1985 dans l’exposition de Nîmes

Entre La Mesure de l’objet de Daniel Buren à L’Objet de la démesure de Philippe Cazal, la mise en scène renouvelée de ces pièces ainsi revisitées dévoile une figure de rhétorique très maitrisée.

NGD

New-York, octobre 2022.

1 « La Ligne Philippe Cazal » texte de Jérôme Sans pour l’exposition Relations extérieures de Philippe Cazal dont il est le commissaire au Barbican Centre en juin 1988.

* Les modèles standards : 9×13, 13×18, 18×24, 24×30, 30×40, 40×50, 50×60, 60×80, 80×100, 100×120.

2 On voyait des chimpanzés se balancer de branche en branche, 31 octobre-24 novembre 1985, Carré d’art / ville de Nîmes.