07.11 – 05.12/2021
Vernissage dimanche 7 novembre 2021 de 11h à 13h et de 15h à 18h
Brigitte Closset, l’intimité du geste
Brigitte Closset est née à Liège en 1958. Elle a étudié à l’Institut des Beaux-Arts de Saint-Luc et à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège. Elle a été professeure à l’Institut Saint-Luc de Liège de 1981 à 2016.
Elle pratique la peinture et le dessin, mais également parfois la photographie. Ses sujets de prédilection sont les « oves », les fleurs, les paysages et dans ses réalisations récentes, ce qu’elle appelle les « Anima » dont je parlerai plus tard. Elle a également réalisé de très belles œuvres minimalistes présentant des lignes verticales blanches et gris clair sur format vertical.
L’OVE devient le sujet principal de Brigitte Closset lorsqu’elle découvre en 1988 en Toscane, à Monterchi, la Madonna del Parto de Piero della Francesca. Ni œuf ni ovale géométriquement parfait, l’ove est une forme qui évoque selon moi à la fois un visage et une matrice. Mais c’est surtout une étrange impression d’expansion de l’espace qui s’en dégage lorsqu’on l’observe. En se positionnant face à l’un de ses oves blancs — dont le pourtour réalisé en diverses couches de traits de pinceaux successifs de couleur blanche ou légèrement grisée et dont le contour n’est jamais parfaitement cerné —, on a l’impression de plonger dans un univers méditatif où la pesanteur semble se dérober. Je me souviens du jour où je lui ai montré quelques images de peintures tantriques réalisées par des personnes anonymes du Rajasthan, dans le nord-ouest de l’Inde et qui m’avaient procuré une impression similaire lors de leur présentation à la Biennale de Venise en 2013. Ni Brigitte ni moi ne les avions vues auparavant. Ces dessins ovoïdes traditionnels n’avaient aucune vocation artistique telle que nous l’entendons en Occident. Ils étaient avant tout destinés à favoriser la pratique de la méditation. J’appris ensuite que ces peintures faisaient également référence à la symbolique du « cosmos en forme d’œuf » présente dans d’anciennes écritures sanskrites. On y parle de « ventre d’or » ou de « l’œuf d’or » qui symbolise la naissance du cosmos et la source de toute énergie. Chacune de ces compositions anonymes, image de l’espace liminal, y représente à la fois la création et la dissolution. Ce qui distingue les œuvres de Brigitte Closset de ces dessins tantriques, le but n’étant d’ailleurs pas de les comparer, c’est à la fois le format et la couleur. Pour ces derniers, ils sont généralement de petites tailles, proches du format d’un visage, présentent des teintes variées, allant du noir, au brun, au bleu symbolisant le ciel pur de la conscience ou à l’ocre rouge et sont entourés d’un halo coloré sur leur pourtour évoquant pour certains le bord de la couronne solaire apparaissant lors d’éclipses totales de la lune. Le choix des couleurs et de leurs associations reste bien sûr énigmatique si elle n’avait pas pour vocation l’émotion esthétique.
Certes, les oves de Brigitte peuvent être de petites tailles. Pour une de mes étudiantes visitant son atelier, c’est avec son index qu’elle imprima probablement la plus petite d’entre elles à l’encre de Chine. Par contre, chacun des trois oves blancs présentés actuellement dans la galerie mesure un mètre quarante de largeur sur deux mètres de hauteur. Il n’y a donc plus de références aux proportions d’un visage, mais la forme est sensiblement la même. Lors d’une précédente exposition de Brigitte Closset à Anvers, j’ai été frappé par une œuvre toute blanche de grande taille et placée en vitrine qui semblait dégager de l’énergie venant de l’intérieur. Le blanc de l’ove éclairant de lui-même le tableau. Cette impression, je l’ai probablement encore ressentie à d’autres moments avec délectation en observant des peintures de Rothko ou certains Morandi. Cette énergie venant de l’intérieur, que j’avais captée, serait-elle comparable à l’éclosion d’une fleur ? Toujours est-il que Brigitte Closset les associe parfois côte à côte. Elle en fit même un drapeau en 2000 dont on peut voir un exemplaire dans le jardin.
C’est tout récemment qu’elle associe ses oves à des formes organiques ondulées qu’elle appelle « Anima ». Pour ma part, j’y perçois des formes ressemblant à des organismes unicellulaires, ou à l’apparition des premiers micro-organismes comme les stromatolithes. On peut rappeler brièvement que l’anima est, dans la psychologie analytique de Jung, la représentation féminine au sein de l’imaginaire de l’homme. Mais, à ma connaissance, je ne pense pas que Brigitte se préoccupe d’analyse psychologique et c’est à mon avis de manière intuitive que ces formes ont dû voir le jour. Elles sont apparues après des tentatives d’introduire la spirale dans ses compositions. L’ove se voyant ainsi mis en mouvement, se démultipliant comme dans ses collages et se greffant parfois à d’autres images ou fonds d’images comme celles de son ami le peintre Armand Silvestre ou autres artistes qu’elle apprécie.
Car l’histoire de l’art nourrit toute son œuvre, je citerais la pré-Renaissance toscane, Giotto, Fra Angelico, Piero della Francesca, mais aussi la peinture flamande, Rogier Van der Weyden, Rembrandt et tout cela sans oublier la peinture chinoise. La compilation des oves datant de 2018 commencée en 2007 a pris 11 années de collecte d’images à travers l’histoire parmi lesquelles les œuvres de Balthus, Morandi, Rothko, Cézanne et parmi les contemporains, Robert Mangold et surtout, sa favorite, celle qu’elle découvre en 1991, l’œuvre magistrale d’Agnès Martin.
Daniel Dutrieux, novembre 2021